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Pauvres en droits – Irene Khan – Fiche de lecture

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« Il est désormais impératif que des actions simultanées soient entreprises pour lutter contre les privations, l’insécurité, l’exclusion, et renforcer le droit de parole citoyenne »

Coédition Amnesty International / Max Milo, avril 2010, 281 pages

Auteurs : Irene Khan co-écrit avec David Petrasek

La préface est signée Kofi A.Annan ancien Secrétaire général des Nations unies de 1997 à 2006.

Irene Khan est née au Bangladesh, elle a occupé des postes à haute responsabilité au Haut-Commisariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Elle a aussi été secrétaire générale d’Amnesty International de 2001 à 2009.

Contenu

Ce livre est un constat de la pauvreté à l’échelle planétaire. Il remet le droit humain au centre du problème de la pauvreté. Cette dernière résulte en grande partie de la négligence accordée à ce phénomène de la part des États. Selon ses propres mots, l’auteure souhaite démontrer à travers ce livre que « la condition de pauvreté relève du déni des droits humains »

Introduction

Ce n’est pas par hasard si l’auteure s’est intéressée de près aux tenants et aboutissants de la pauvreté. Elle montre dès le départ du livre qu’elle est très concernée par ce phénomène puisque elle a évolué dans un environnement gangrené par la pauvreté. Irene Khan est née au Bangladesh dans un pays déclaré « cas désespéré du monde » par H.Kissinger après une guerre pour l’indépendance (1971) sanglante.

L’auteure souligne la responsabilité des États dans une hypothétique réduction de la pauvreté. Pour cela, les États et les différentes institutions doivent reconnaître les droits des pauvres. L’auteure met aussi l’accent sur le fait que la croissance économique ne va pas forcément de pair avec la réduction de la pauvreté. Si l’on ne prenait en compte que ce critère, l’inflexion de la pauvreté ne pourrait être induite que par une forte croissance des pays pauvres que pour le résultat soit efficace. En 1990, l’IDH fut instauré, ce qui permit d’avoir une vision plus globale et détaillée de la pauvreté même si les stratégies de progrès sont souvent axées sur des solutions économiques. La situation de crise actuelle prouve que se reposer uniquement sur l’économie est une tactique qui ne peut fonctionner.

Résumé

Un débat d’idées faussé

Les principales facettes de la pauvreté sont : la privation, l’insécurité, l’exclusion et le déni du droit de parole citoyenne.  La DUDH adoptée en 1968 a vite souffert de l’expansion de la guerre froide. Très vite la légitimité des droits s’est posée et ce sont surtout les droits politiques et civils qui ont été reconnus. Actuellement, la résolution des problèmes est effectuée de manière fragmentée et donc moins efficace.

Deux idéologies s’affrontent : solutionner des problèmes considérés « plus importants » et donc régler le problème de manière partielle ou tenter d’avancer sur tous les fronts, ce qui s’avère difficile mais permet une éradication de la pauvreté plus complète.

Pour Irene Khan, il ne doit pas exister de différences de prééminence entre les droits, tous doivent être promus à traitement égal.  La hiérarchisation des problèmes est définie comme un « piège des priorités ». Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) constituent un plan de premier ordre dans la lutte contre la pauvreté. Il a fixé des objectifs importants à atteindre avant 2015, ratifié par les États participants au sommet du millénaire de l’an 2000. Le « succès » des OMD réside en réalité sur ses manquements : pas de garantie face à la discrimination, à la protection des minorités, à la participation citoyenne, etc. On note une incohérence entre la reconnaissance des droits humains et les programmes d’action.

Il s’avère être nécessaire de se battre pour tous les droits et non les hiérarchiser selon une échelle d’importance.

Exclusion, discrimination et conflit

Les discriminations au même titre qu’une gestion financière bancale s’avèrent être à la fois une cause et une résultante de la pauvreté. Les politiques n’agissant pas (ou peu), la situation perdure pour les gens exclus socialement et la pauvreté demeure intergénérationnelle.

L’exclusion de certains groupes est fortement ancrée et laisse peu de place à l’amélioration de leur condition de vie. Même dans les États où les revenus des pauvres augmentent, ceux des groupes marginalisés ne connaissent pas d’effets similaires.

Dans ce système, ce sont en réalité toujours les populations les moins aisées qui sont condamnées à souffrir le plus : ce sont les dernières à profiter de la croissance économiques et les premières à en subir l’inflexion. Il existe une forte inégalité dans la répartition des richesses dont les personnes le plus dans le besoin sont les premières victimes.

L’exclusion est liée à cette discrimination, les indicateurs sociaux de progrès se répercutent de manière amenuisée sur les populations pauvres. Ces derniers connaissent  un accès limité à des services que le reste de la population est habilité et habitué à recevoir quotidiennement : accès à l’éducation marginal, salaires moins élevés, etc. Il existe plusieurs facteurs expliquant ce phénomène mais l’auteur l’impute surtout à « l’inaction politique » qui participe grandement à l’exclusion perpétuelle d’une partie de la population, qui ne peut se dépêtrer seule du cercle vicieux de cette transmission intergénérationnelle de la pauvreté.

Les OMD prennent peu en compte cette nécessité de reconnaître les discriminations comme facteur prépondérant de perpétration de la pauvreté. Pour résoudre le problème il faut qu’il soit reconnu puis que des législations, des programmes d’action permettent la concrétisation d’un effacement progressif de l’exclusion, de la mise à l’écart récurrente.

Les milieux pauvres sont la cible de nombreuses sources d’insécurité. L’instabilité y est chronique et le maintien des progrès difficile. Les conflits sont un facteur de maintien de la pauvreté. Ils sont nombreux dans les pays non développés et aggravent ou font subsister les problèmes déjà existants. Il faut donc tenter de réduire ces menaces ainsi qu’effectuer un suivi post-conflit afin d’établir une certaine stabilité. La pauvreté affiliée à l’exclusion sociale créée des zones de non droit, de non protection et empêche les populations concernées à pouvoir s’exprimer librement et exister au sein de la société.

Participation citoyenne et responsabilisation des États

Un élément clé du livre est le droit de parole qui englobe de fait la liberté d’expression, d’action et donc de remise en question et de contestation. La participation citoyenne est une nécessité pour  l’affranchissement des pauvres de leur marginalisation. Elle montre que la pauvreté n’est pas exclusivement matérielle et est d’abord une source de privation de liberté de choix et d’action. Elle pose problème car non respectée par la plupart des États. Redonner le pouvoir individuel aux concitoyens de s’exprimer, sans être opprimés, est donc primordial. Cette pauvreté dans les libertés individuelles s’exprime principalement à travers quatre «dimensions» qui sont l’insécurité, l’exclusion, les privations et la récurrente impossibilité d’exercer son « droit de parole ». L’auteure précise que « toute action unilatérale se révélerait insuffisante ». Une œuvre entreprise de manière isolée n’a aucune chance de fomenter des résultats probants.

Au niveau des droits, il existe des « disparités significatives ». Les droits ne sont pas reconnus dans leur intégralité par les gouvernements, il apparaît difficile diminuer fortement la pauvreté. La volonté des États et des organisations dans ce domaine semble être limitée puisque derrière le discours de façade, trop peu d’action sont mises en place et elles s’avèrent souvent être trop superficielles.

L’auteure exprime dans ce chapitre la nécessité de respecter les libertés, dont la garantie de droit de parole afin de parvenir à un développement efficace. La lutte pour la pauvreté est alors associée à  une lutte de tous les instants pour la garantie des libertés. Sans cela, jamais la population pauvre ne pourra s’affranchir de sa mise à l’écart de la société. La participation citoyenne est indispensable à l’émancipation de la population pauvre. La Déclaration du Millénaire de l’ONU encourage à mener conjointement des politiques égalitaires plus poussées encourageant une participation citoyenne accrue.

Un environnement propice à la lutte contre la pauvreté se doit d’être légal et institutionnel afin de garantir la protection des libertés. Le respect du droit de participation citoyenne doit être une des composantes indissociable de cet environnement.

Le droit de parole associé à des politiques gouvernementales efficaces est un cocktail qui permettrait, en partie, à la population pauvre de s’émanciper de sa marginalisation. Ne pas appliquer cette combinaison ne fait qu’empirer la situation de cette partie de la population qui, privée des protections sociales nécessaires, est dans l’incapacité d’entreprendre des démarches pour faire valoir ses droits.

Solutions pour faire face

Tant les organisations internationales que les gouvernements nationaux sont critiqués dans ce livre. L’État est souvent considéré par les populations pauvres comme une source d’oppression au lieu d’être une source de protection. Les lois ne permettent pas aux pauvres de s’affranchir de leur condition de marginaux. Souvent corrompus les instances judiciaires accordent peu d’importance aux droits des individus exclus socialement. Ce n’est donc pas par manque de pouvoir que les institutions n’agissent pas en matière de législation sinon par excès de corruption. Cette corruption est aussi présente parmi la gouvernance mondiale. Toutefois travailler main dans la main avec la communauté internationale n’est pas négociable. On doit donner la marge de manœuvre suffisante pour que des initiatives  locales puissent être soutenues par des instances internationales.

La « démarginalisation par le droit » est un principe en vogue, de plus en plus soutenu par le PNUD et la Banque Mondiale. Les pauvres doivent pouvoir participer aux négociations les concernant par l’intermédiaire de la création de syndicats par exemple.

Conclusion

En quoi le respect des droits humains peut-il aider les populations pauvres à se sortir de cette bulle de pauvreté ?

La dénonciation de l’absence de ces droits constitue l’étape incontournable dans le combat contre la pauvreté. L’acquisition de ces droits par les populations pauvres créerait une échappatoire plausible, une possibilité de se libérer de leur enclavement. En fin de compte les maîtres mots sont la reconnaissance et l’autonomisation de ces populations.

Deux objectifs principaux pour ce livre : réorienter les droits humains au centre des préoccupations dans la lutte contre la pauvreté  et démontrer que la pauvreté doit être combattue sur tous les fronts et non partiellement. Il ne doit pas exister de différence de traitement pour l’affrontement des nombreux problèmes, chacun doit être traité à manière égale et dans le même temps, sans quoi la lutte s’avérera inefficace.

Les OMD constituent la référence en matière de lutte contre la pauvreté mais ses objectifs sont à la fois un peu « réducteurs » du phénomène de la pauvreté et ne seront vraisemblablement pas atteints pour la date butoir fixée en 2015. Cet échec annoncé, à l’image de nombreux autres Traités produits par la communauté internationale, est la preuve qu’une réorientation des priorités est inévitable. La DUDH, si plébiscitée à sa création, aura finalement vue un affaiblissement progressif des lueurs d’espoirs apportées il y a 60 ans. L’auteure persiste : celle-ci doit redevenir un modèle et une source d’inspiration à une échelle planétaire.

Analyse

L’auteure réussit à faire passer son message et à replacer dans nos esprits l’importance du respect des droits humains dans la lutte contre la pauvreté. Les populations pauvres sont menottées aux droits humains et prisonnières de leur non-respect. L’auteure forte de son expérience sur le terrain illustre ses propos par des faits tirés de son vécu tout au long du livre.

Ce livre, plein de bonnes intentions, surfent sur la vague idéologique en vogue : moins de manœuvres économiques, plus de justice sociale. Les analyses développées tout au long du livre sont sans équivoques et force est de constater que le climat actuel lui donne raison.

En fin de réflexion, l’auteure fait preuve d’optimisme en évoquant un hypothétique souffle nouveau engendré par la restructuration d’un système économique international qui a prouvé ses limites. On ne peut s’empêcher de penser que les solutions exprimées dans ce texte s’avéreront être trop peu appliquées dans la réalité, du moins à l’échelle planétaire.

Des améliorations ont été observées il y a quelques temps, en Amérique Latine. Dans cette zone, les indices de pauvreté connaissent leur inflexiondiminution la plus forte depuis 20 ans. Bien qu’elle ne soit pas l’exemple à suivre à tout prix, l’Amérique Latine est,  à l’heure actuelle, une des seules zones (de superficie conséquente) qui paraît détenir la volonté de lutter, de façon « juste » et durable, face à la pauvreté.

Irene Khan pourrait y voir là les prémices de son souhait le plus cher : remettre au centre des préoccupations le respect des « droits humains » dans la lutte face à la pauvreté.


 

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